CHAPITRE VIII
Dans des circonstances normales, être l’administrateur en chef du Complexe de la Gueule aurait pesé d’un poids énorme sur les épaules de n’importe qui. Sans l’aide de l’Empire, c’était une épreuve que Tol Sivron n’aurait jamais cru devoir subir. Seul dans la grande salle de conférence, Sivron secoua ses deux appendices crâniens de Twi’lek et continua à contempler l’objet de sa fierté.
Il n’avait jamais aimé l’amirale Daala, trop autoritaire à son goût. Durant les années qu’ils avaient passées dans le Complexe, Sivron n’avait jamais eu le sentiment que cette femme comprenait l’importance de sa mission : créer de nouveaux moyens de destruction de masse pour le Grand Moff Tarkin, à qui ils devaient tous deux de sacrées faveurs.
La flotte de Daala était là pour protéger le Twi’lek et les scientifiques qui travaillaient sous ses ordres, mais l’amirale n’avait jamais accepté cette modeste position. Alors elle avait laissé des prisonniers rebelles voler le Broyeur de Soleil et enlever une des têtes pensantes de Sivron, la précieuse Qwi Xux. Tout ça pour avoir une raison d’abandonner son poste et de partir en chasse à travers la galaxie.
Sivron arpentait la salle de conférence, hésitant entre jubilation et déception. Quand il secoua de nouveau la tête, ses appendices glissèrent le long de sa tunique et furent traversés par une vague perception sensorielle. Il en saisit un et l’enroula avec difficulté autour de ses épaules.
La poignée de commandos que Daala lui avait laissée ne servait pas à grand-chose. Tol Sivron avait recensé ses effectifs : cent vingt-trois hommes. Le Twi’lek avait étudié leurs dossiers, amassant des informations qui pourraient lui être utiles un jour. A quoi, il eût été bien en peine de le dire, mais sa vie entière avait été consacrée à compiler des données à partir de fichiers. Un jour ou l’autre, quelqu’un en tirerait parti.
Les soldats lui obéissaient – c’était leur devoir, après tout – mais il n’avait rien d’un militaire. En cas d’attaque, il n’aurait pas su déployer ses troupes.
Ces derniers mois, Sivron avait accentué sa pression sur les chercheurs, les pressant de développer de meilleurs prototypes d’armes et de lui soumettre une gamme complète de scénarios prévoyant toutes les situations possibles.
Etre prêts est la meilleure arme de l’univers, avait-il l’habitude de dire. Ça n’était pas des propos en l’air.
Il demandait des rapports très fréquents à ses subordonnés, insistant pour être informé de tout dans des délais record. La salle d’archives attenante à son bureau était pleine à craquer de dossiers et de maquettes. Bien entendu, Tol n’avait pas le temps de consulter toute cette documentation, mais la savoir là le rassurait.
Entendant des bruits de pas, il devina que ses quatre principaux chefs de division approchaient, flanqués de leurs gardes du corps personnels.
Sivron ne se retourna pas pour les saluer. Légitimement satisfait, il ne pouvait s’empêcher d’admirer le prototype d’Etoile Noire – encore squelettique par bien des aspects – qui passait lentement derrière la baie d’observation.
L’Etoile était le plus grand succès du Complexe.
Après y avoir jeté un coup d’œil, le Grand Moff Tarkin avait décoré sur-le-champ Sivron, Bevel Lemelisk, le concepteur du projet, et Qwi Xux, son bras droit.
Les chefs de division prirent place autour de la table de briefing, chacun tenant une tasse de boisson fumante et mangeant du bout des lèvres un croissant synthétique. Tous étaient en possession d’une copie de l’ordre du jour.
Sivron décida que la réunion serait courte et dynamique. Deux heures, trois au plus… D’ailleurs, ils n’avaient presque rien à se dire. L’Etoile Noire en orbite sortant de son champ de vision, il fit enfin face à ses subordonnés.
Complètement dépourvu de pilosité à l’exception de ses sourcils, Doxin semblait beaucoup plus large que haut. Ses lèvres étaient si épaisses qu’il aurait pu poser un stylet dessus quand il souriait. Sa spécialité était la recherche et le développement dans le secteur de l’énergie.
A sa droite était assise Golanda. Dégingandée, le visage anguleux, les yeux globuleux, elle était à peu près aussi séduisante qu’un Gamorréen. Responsable de la section artillerie et innovations tactiques, elle se plaignait depuis dix ans d’être obligée d’effectuer des recherches balistiques au milieu d’un amas de trous noirs dont la gravité fluctuante faussait chaque fois ses calculs.
Le troisième chef de division, Yemm, était un Devaronien à l’air démoniaque qui avait le génie de dire la chose qu’il fallait au moment adéquat. Il supervisait la documentation et la section juridique.
Enfin, à l’autre bout de la table, était assis Wermyn, un colosse manchot à l’air cruel. Sa peau carmin verdâtre donnait peu d’indications sur ses origines. C’était le directeur exécutif du Complexe. En clair, il devait s’assurer que tout marchait.
– Bonjour à tout le monde, dit Sivron en s’asseyant. Je vois que vous avez vos ordres du jour. Excellent. (Il tourna la tête vers les quatre commandos debout près de la porte.) Capitaine, sortez avec vos hommes et verrouillez la porte. C’est une réunion top secret.
L’officier obéit sans commentaire.
– Au travail ! dit Sivron en tapotant la pile de documents posée devant lui. Je veux entendre vos rapports d’activité. Maintenant que nous avons étudié les implications possibles des éventuelles nouveautés, nous sommes en mesure de concevoir et de développer des stratégies. J’espère que le Plan d’Urgence révisé a été distribué à tout le personnel du centre.
Sivron dévisagea Yemm, le grand ordonnateur de la paperasse.
Le Devaronien sourit et fit oui de la tête, ses antennes se balançant en cadence.
– Tout est en ordre, monsieur le directeur. Nos collaborateurs ont reçu une copie des trois cent soixante-cinq pages du rapport avec ordre de les lire au plus vite.
– Parfait, dit Sivron avant de cocher la première rubrique de l’ordre du jour. J’ai prévu un peu de temps à la fin de la réunion pour parler des sujets hors planification, mais procédons par ordre. D’abord les rapports. Wermyn, vous commencez ?
Le manchot se lança dans un long exposé sur l’état de leurs réserves, leur consommation d’énergie et la durée de vie prévisible des cellules d’alimentation des générateurs. Le stock de pièces de rechanges fondait comme neige au soleil et de nouvelles livraisons étaient hautement improbables.
Tol Sivron nota la remarque.
Après avoir avalé son substitut de café, Doxin décrivit la nouvelle arme que ses chercheurs venaient de mettre au point.
– C’est un Polarisateur Luminique Optimalement Usant à Condensation, dit-il. Un PLOUC, en abrégé.
– Hum, fit Sivron, se tapotant le menton du bout d’une griffe. Il faudra trouver un nom plus accrocheur avant de le présenter à l’Empire.
– C’est juste une abréviation de travail, se justifia Doxin, le rose lui montant aux joues. Malgré la non reproductibilité des études, nous avons fabriqué un modèle fonctionnel. Les essais nous donnent de bons espoirs de réussite.
– Et que fait-il exactement, votre PLOUC ?
– Monsieur le directeur, je vous envoie des rapports sur le sujet depuis près de deux mois. Vous ne les avez pas lus ?
Les appendices crâniens de Sivron ondulèrent d’indignation.
– Je suis un homme occupé qui ne peut pas se souvenir de tout ce qu’il lit ! Surtout quand un projet a un nom aussi ridicule ! Rafraîchissez-moi la mémoire, Doxin.
– Le champ de force du PLOUC s’attaque à la structure même des métaux – en particulier ceux qui composent les coques des navires. Le PLOUC est capable de traverser les boucliers et de réduire en poussière les blindages les plus épais. Le principe physique est très compliqué, bien sûr, mais je vous épargne les détails…
– Tout ça sonne fort bien, admit Sivron. Mais vous avez des problèmes, non ?
– Eh bien… Pour le moment, le PLOUC est efficace sur environ un pour cent de la plaque de blindage d’essai.
– Une piètre utilité, si je comprends bien ?
Doxin s’autorisa un bref ricanement.
– C’est plus complexe que ça, monsieur le directeur. A partir de la zone affectée, la fissuration se communique à toute la surface irradiée. Pareille perte d’intégrité suffirait à détruire n’importe quel vaisseau.
– Excellent ! Continuez les recherches et n’omettez pas de remplir vos remarquables rapports.
Golanda, la responsable de l’artillerie, présenta un projet de grenades à résonance en partie basé sur les travaux théoriques du Broyeur de Soleil.
Yemm interrompit sa collègue en se levant et en poussant des cris d’orfraie. Sivron le rappela à l’ordre :
– Ça n’est pas encore l’heure des sujets hors planification ! grogna-t-il.
– Monsieur le di-directeur, bafouilla Yemm en désignant la baie d’observation. Re-regardez !
Les autres chefs de division tournèrent la tête et sursautèrent.
Quand Sivron consentit à regarder à son tour, ses appendices se dressèrent sur son crâne comme s’il avait reçu une décharge électrique.
Une flotte de navires de guerre rebelles venait d’entrer dans l’amas de trous noirs. La force d’invasion qu’il redoutait depuis si longtemps était à ses portes…
Deux corvettes corelliennes devant lui, une sur chaque flanc, le Yavaris du général Wedge Antilles approchait du groupe d’astéroïdes formant le Complexe de la Gueule.
A côté de l’officier se tenait Qwi Xux, magnifiquement belle sous la lumière bleue de la passerelle. La jeune femme regardait de tous ses yeux, Wedge la devinant impatiente de fouiller ses anciens quartiers pour exhumer les vestiges de sa mémoire.
– Complexe de la Gueule, dit Wedge quand une fréquence fut ouverte, ici le général Antilles, commandant en chef de la flotte d’occupation de la Nouvelle République. Nous devons discuter des termes de votre reddition. Répondez au plus vite, ou…
La déclaration semblait arrogante, mais Wedge savait que les Impériaux n’avaient aucun moyen de se défendre. Caché parmi les trous noirs, le Complexe, en l’absence de Daala, n’avait qu’un espoir d’échapper à la conquête : ne pas être détecté.
Pas de chance, c’était déjà fait !
En l’absence de réponse, Wedge ordonna à sa flotte de continuer d’avancer. Quand il vit la forme caractéristique d’une Etoile Noire orbiter autour du planétoïde où se trouvait le Complexe, le général crut que son cœur s’arrêtait de battre.
– Activez les boucliers ! cria-t-il.
Mais l’Etoile Noire ne tira pas et poursuivit paisiblement sa course.
En revanche, la défense du planétoïde tira quelques rafales dont les boucliers de la flotte rebelle se jouèrent sans mal.
– Compris, marmonna Wedge, ils veulent résister. Yavaris aux corvettes : nous attaquons, mais je veux des frappes chirurgicales. Nous devons anéantir les batteries de lasers sans endommager le Complexe lui-même. (Il lança un bref regard à Qwi.) Il contient des données trop importantes pour être perdues.
Les deux corvettes de tête ouvrirent le feu, touchant leur cible avec une redoutable précision.
– C’est trop facile, s’inquiéta Antilles.
Une des deux corvettes lança un signal de détresse. L’image de son capitaine s’afficha sur l’écran, tremblotante.
– La coque ! Nous avons un problème et les boucliers sont inefficaces. Une nouvelle arme, je crois ! Nos cloisons faiblissent. Impossible de trouver la raison de…
La transmission cessa.
La corvette n’était plus qu’une boule de feu.
– En arrière ! cria Wedge.
Au lieu d’obéir, la deuxième corvette de tête piqua sur l’objectif, ses canons-blasters jumelés faisant feu sans interruption. Le général vit deux torpilles à protons jaillir des tubes de lancement.
– Capitaine Ortola, battez en retraite !
La corvette pulvérisa le planétoïde le plus proche de sa position. Une seconde boule de feu, beaucoup plus grosse, illumina l’espace.
– Le problème est réglé, monsieur, dit Ortola. Vous pouvez déployer la flotte selon votre bon plaisir…
Il régnait un tel désordre dans le Complexe que Tol Sivron, dérangé par les cris qui sortaient de l’intercom, eut quelque peine à structurer son intervention.
– Votre attention, s’il vous plaît, dit-il, s’adressant à tout le personnel. N’oubliez pas de suivre à la lettre les procédures d’urgence normalisées.
Partout, des commandos couraient rejoindre leurs postes. Excellent tacticien, le capitaine affectait ses forces à la défense des intersections vitales des couloirs. Au cœur de l’action, personne ne songeait à se référer aux procédures soigneusement rédigées et homologuées dont Sivron et ses directeurs avaient mis des mois à accoucher.
Le Twi’lek continua son discours.
– S’il vous faut une nouvelle copie des procédures d’urgence, ou si vous avez du mal à en trouver une, contactez sur-le-champ vos chefs de division. Ils sont là pour vous fournir des outils de travail appropriés.
Dans le ciel du planétoïde, les vaisseaux de la Rébellion ressemblaient à des oiseaux de cauchemar. Ils avaient écrabouillé les défenses antiaériennes comme s’il s’était agi de moustiques.
Assis devant un écran de contrôle, Doxin sourit de toutes ses dents en voyant une corvette ennemie exploser.
– Ça marche ! exulta-t-il. Le plouc est fonctionnel. (Il se tut, car quelqu’un parlait dans son oreillette ; sa mine se décomposa.) Hélas, monsieur le directeur, nous ne pourrons pas tirer une deuxième fois. Le PLOUC est… hum… en panne. Mais ce succès sur une cible réelle démontre que le concept est viable et doit être développé.
– Tout à fait d’accord, approuva Sivron, les yeux rivés sur le nuage de débris qui avait jadis été un vaisseau. Il faudra avoir une réunion à ce sujet…
– Le système est hors service, mais…, commença Doxin.
La deuxième corvette rebelle passa à l’attaque et désintégra le planétoïde qui abritait la division « énergie » du Complexe.
– Le voilà complètement détruit…, fit remarquer Sivron.
Doxin ne cacha pas sa déception.
– Comment analyser le premier tir ? gémit-il. Sans données effectives, j’aurai du mal à rédiger mon rapport…
Un énorme bruit les fit tous sursauter. Sivron et ses collaborateurs se précipitèrent vers la baie vitrée donnant sur le centre. Il y avait de la fumée dans tous les couloirs.
Dans la salle de conférence, les écrans des ordinateurs devinrent noirs. Alors que Sivron s’apprêtait à demander des explications, toutes les lumières s’éteignirent, remplacées par la pâle lueur verte des systèmes de secours.
Le chef des commandos entra en trombe dans la salle.
– Capitaine, que se passe-t-il ? demanda Sivron. J’attends votre rapport !
– Nous venons de détruire l’ordinateur principal, monsieur.
– Vous venez de faire quoi ?
L’officier ignora l’intervention.
– Il me faut votre code personnel pour accéder aux fichiers de sauvegarde. Nous les irradierons pour effacer les données secrètes.
– Ce sont les procédures d’urgence ? s’enquit Sivron avec un regard à ses adjoints. (Il prit sur la table une copie du document.) Capitaine, à quelle page avez-vous trouvé ce protocole de destruction ?
– Monsieur, les résultats des recherches ne doivent pas tomber entre les mains de l’ennemi. Les sauvegardes doivent être détruites avant que les Rebelles prennent possession du Complexe.
– Je ne suis pas certain que nous ayons prévu cette éventualité, dit Golanda en feuilletant sa propre copie du manuel.
– Peut-être devrions-nous réfléchir à un addenda ? suggéra Yemm.
Wermyn cessa de tourner les pages de son manuel et prit la parole :
– J’ai trouvé, monsieur le directeur. Section 5.4, « Invasion des Rebelles », paragraphe C. Si les forces ennemies menacent de s’emparer du Complexe, je dois me rendre avec mes hommes sur l’astéroïde des générateurs et détruire le système de refroidissement afin de provoquer une explosion qui a) détruira la base et, b) fera exploser les agresseurs.
– Excellent, excellent ! dit Tol Sivron, qui venait de trouver la page et de vérifier par lui-même. Exécution, messieurs !
Wermyn leva une main, sa peau déjà bizarre prenant une teinte plus sombre.
– Monsieur le directeur, je sais que toutes ces procédures ont été homologuées, mais où mon équipe est-elle censée aller pour se mettre en sécurité ? A ce propos, comment feront toutes les autres quand la réaction en chaîne sera déclenchée ?
La voix d’un soldat retentit dans l’intercom.
– Les Rebelles sont entrés dans la base ! Je répète, les…
Un flot de parasites brouilla la communication.
– Engagez la procédure d’évacuation, dit Sivron, quelque peu bousculé par les événements. Wermyn, occupez-vous des générateurs, comme prévu. Nous nous réfugierons dans le prototype d’Etoile Noire.
Quand vous aurez terminé, nous viendrons vous prendre, puis nous fuirons. Les Rebelles mourront, et nous ramènerons nos précieuses connaissances à l’Empire.
Trois transporteurs des équipes d’assaut de la Nouvelle République se posèrent sur le planétoïde central du Complexe, pulvérisant les portes du spatioport à coups de canon-blaster. Dès que les sas des appareils furent ouverts, les hommes descendirent à terre, adoptant immédiatement leur position de défense. Accroupis, se protégeant derrière des boucliers résistants aux tirs de lasers, ils pointèrent sur l’objectif leurs fusils-blasters.
Chewbacca dévala la rampe de débarquement, un grognement sortant de sa gorge. Arbalète-blaster au poing, il étudia le terrain et fit signe aux commandos de Page d’attendre encore un peu avant de reprendre leur progression.
La mesure était judicieuse, car quatre Impériaux embusqués ouvrirent le feu sur les assaillants, en fauchant un. Quarante armes arrosèrent la position ennemie.
Chewie se souvint de l’époque où il était prisonnier dans le Complexe. Alors, on l’avait contraint à effectuer des réparations sur le vaisseau de l’amirale Daala. Tenté de saboter une des vedettes d’assaut de classe gamma, il y avait renoncé, sachant que cela lui coûterait la vie sans causer de torts aux forces de l’Empire.
A présent, le Wookie songeait à ses compatriotes réduits en esclavage. Après des années de travail épuisant et sans espoir, toute flamme avait déserté leurs yeux.
Avec un grognement, il se remémora le sadique qui leur tenait lieu de gardien. Celui-là devrait payer pour les monstrueux traitements infligés aux prisonniers.
Des alarmes retentirent, provoquant une montée d’adrénaline chez le Wookie. Il lança son équipe à l’assaut…
En avançant, il songea à Z-6PO, resté sur le Yavaris. Savoir que le droïd n’essuierait pas les premiers feux rassurait Chewie. Car enfin, il n’allait pas passer sa vie à remonter ce tas de ferraille !
Le commando d’élite arriva devant une grande salle où Chewbacca se rappela avoir passé des heures interminables à travailler. Les portes étaient protégées par de lourdes plaques de blindage.
Le Wookie tapa du plat de la main sur la surface métallique. Derrière lui, les commandos de Page fouillaient dans leurs paquetages. Deux hommes avancèrent, des détonateurs thermiques à la main. Ils les placèrent aux endroits adéquats et enclenchèrent le compte à rebours.
– Reculez ! cria l’un d’eux.
Chewbacca et les deux hommes étaient à peine à l’abri qu’une explosion retentissait. Dix secondes plus tard, un bruit plus fort leur indiqua que la porte blindée venait de tomber sur le sol.
– En avant ! lança le chef du commando.
Chewie passa le premier. Quand il fut dans la salle, il entendit d’étranges sons, mélange de grognements d’indignation et de gémissements de douleur. Les Wookies prisonniers étaient si bouleversés qu’ils en avaient oublié leur langue.
La fumée se dissipant, Chewie fut déçu de constater que la bataille était terminée avant d’avoir commencé. Quant à la vengeance, elle était déjà en cours, ses compatriotes ayant compris, en entendant les alarmes, que l’heure de leur libération avait sonné.
Neuf d’entre eux entouraient le gardien, acculé contre la coque d’une navette à moitié démontée.
Le tortionnaire, un vrai tonneau de graisse, avait la peau luisante de sueur, tant il redoutait son avenir immédiat. Malgré tout, il défiait ses adversaires du regard et continuait à fendre l’air avec son étrange fouet électronique.
Les prisonniers tentaient de l’approcher pour le déchiqueter de leurs griffes.
Chewie poussa un grognement de triomphe. Quelques Wookies se retournèrent pour regarder leurs sauveteurs. Les autres, trop occupés par le gardien, semblaient ignorer les nouveaux venus.
– Lâchez votre arme ! ordonna le chef du commando au gros homme.
Tous les blasters étaient pointés sur lui. Chewie s’amusa de voir le bourreau pousser un soupir de soulagement en découvrant les soldats de la Nouvelle République, desquels il attendait plus de clémence.
Les Wookies continuaient à le menacer. Ils avaient l’air en plus mauvais état que jamais. Depuis le départ de l’amirale Daala, le gardien avait dû les forcer à travailler à outrance pour renforcer les défenses du Complexe.
– Jetez votre arme ! répéta l’officier.
Le gardien abattit une nouvelle fois son fouet, contraignant les Wookies à reculer. Chewie aperçut les trois grands mâles qui se tenaient au premier rang. Leur fourrure était ravagée, des cicatrices courant sur leur peau.
Chewbacca repéra également le vieux Wookie à la fourrure grise nommé Nawruun. Le corps usé par les années et le travail forcé, le vieillard gardait dans les yeux la flamme de la révolte… et de la colère.
Le gardien leva son fouet, regarda les Wookies, puis les commandos de Page. L’officier tira un coup de semonce contre la cloison de la salle.
L’obèse leva son autre main et lâcha son fouet, qui tomba sur le sol avec un bruit métallique.
– A présent, que les Wookies reculent ! dit le chef des commandos.
Chewie traduisit. Les prisonniers hésitèrent un moment, se demandant ce qui allait suivre.
Alors que la terreur se lisait sur le visage du gardien, le vieux Nawruun, étonnamment vif, plongea sur le fouet, qu’il ramassa du bout d’une patte griffue.
Il activa les lanières.
Le gardien gémit et recula comme s’il voulait s’enfoncer dans un mur. Chewie cria à ses compatriotes d’arrêter, mais ils ne l’entendirent pas. Toutes griffes dehors, ils se ruèrent sur l’être qui les avait si longtemps persécutés.
Nawruun bondit sur sa proie. Malgré son âge et ses infirmités, il utilisa le fouet comme une massue et fit tomber le gardien à la renverse.
Ses compagnons fondirent sur le tortionnaire. Nawruun régla le fouet sur la puissance maximale et l’abattit sur le visage du gros homme.
Les lanières d’énergie traversèrent le crâne du gardien, carbonisant sa matière cérébrale. Des étincelles jaillirent de ses yeux, puis sa tête éclata, aspergeant les Wookies d’immondices.
Le silence retomba sur la salle.
Chewie avança prudemment vers ses semblables, qui s’écartèrent du cadavre. Le vieux Nawruun ne bougea pas, les yeux rivés sur le fouet, que ses doigts lâchèrent lentement.
Alors les jambes du vieillard ne le portèrent plus. Il se laissa glisser sur le sol, les épaules secouées de sanglots.
Tol Sivron essayait de s’installer confortablement dans le fauteuil de commandement de l’Etoile Noire, mais le prototype n’était pas prévu pour des fesses délicates.
Sivron avait vu les Rebelles investir les points vitaux du Complexe. Mais une surprise les attendait…
La voix de Wermyn sortit des haut-parleurs de la radio.
– Directeur Sivron, le système de refroidissement est détruit. Les générateurs vont bientôt dépasser la température critique. Les Rebelles ne pourront pas inverser le processus. Le Complexe de la Gueule est promis à la destruction.
– Très bien, Wermyn, dit Sivron, qui regrettait le gaspillage d’autant de bon matériel.
Qu’aurait-il pu faire d’autre ? En abandonnant son poste, Daala avait ouvert la voie à ce genre de catastrophe. Et puis, ses hommes et lui avaient suivi des procédures écrites et homologuées. On ne pouvait rien leur reprocher.
Sivron regarda le capitaine des commandos et les trois chefs de division présents. Le reste du personnel, les soldats et les chercheurs avaient trouvé refuge dans les entrepôts et les salles techniques de l’Etoile.
– Je n’ai pas eu le temps de consulter le manuel du prototype, dit Sivron. Quelqu’un sait-il le piloter ?
Golanda regarda Doxin, qui se tourna vers Yemm.
– J’ai une certaine habitude des vedettes d’assaut, monsieur, dit le capitaine. Peut-être pourrais-je m’y retrouver…
– Excellent ! Hum… (Il se leva.) Avez-vous besoin de ce siège ?
– Non, monsieur. Je peux utiliser la console de pilotage.
L’homme alla prendre place.
– Les Rebelles ont dû détecter les activités de sabotage de Wermyn, annonça Doxin. Leurs vaisseaux se regroupent autour du planétoïde des générateurs. Deux navettes vont sans doute s’y poser.
– Comment allons-nous récupérer Wermyn ? s’inquiéta Sivron.
Yemm feuilleta les procédures d’urgence.
– Nous n’avons rien prévu pour un cas de ce genre, dit-il.
Les appendices crâniens de Sivron retombèrent tristement dans son dos.
– C’est ennuyeux, non ?
Il réfléchit, cherchant à s’adapter à la situation. Les Twi’lek étaient les rois de l’adaptation. Sivron avait dû le faire quand il avait quitté sa planète natale, puis lorsque le Grand Moff Tarkin l’avait nommé directeur du centre de recherches. Aujourd’hui, il allait encore devoir tirer le meilleur parti d’une situation qui se détériorait de minute en minute.
– Bon, il est impossible de secourir Wermyn. Alors changeons de plan, car l’Empire passe avant tout. Nous devons lui ramener le prototype.
Ayant vu les Rebelles converger vers son planétoïde, Wermyn rappela son chef, une grande inquiétude dans la voix :
– Monsieur le directeur, que pouvons-nous faire pour vous faciliter les choses ? Et quand venez-vous ?
Tol Sivron répondit de son ton le plus solennel.
– Wermyn, je veux que vous sachiez combien je vous admire d’avoir servi l’Empire si longtemps avec une inébranlable fidélité. Et je déplore, croyez-le, que votre retraite ne puisse pas être aussi longue et heureuse que vous l’auriez mérité. Une fois encore, croyez à mon admiration. Et merci pour tout.
Il coupa la communication et se tourna vers le capitaine :
– Il vaudrait mieux partir sans tarder, savez-vous ?
Quand les combats furent terminés, Qwi Xux et Wedge Antilles prirent une navette pour rejoindre le Complexe. La jeune femme regardait le planétoïde sans éprouver la moindre émotion. De sa vie sur ce caillou géant, elle ne se rappelait presque plus rien.
A part la perte de la première corvette, les forces de la Nouvelle République s’en tiraient sans trop de casse. Les scientifiques du Complexe avaient opposé une résistance vraiment timide…
Qwi était impatiente de retrouver son vieux laboratoire et de fouiller dans ses fichiers. Elle ne doutait pas de trouver des réponses à ses questions. Mais seraient-elles à son goût ?
Wedge lui prit la main.
– Tout ira bien. Tu nous as beaucoup aidés. Relaxe-toi. Laisse venir les choses…
– Je vais essayer… (Elle sursauta.) Wedge, regarde !
Le prototype d’Etoile Noire était en train de s’arracher à l’attraction du planétoïde.
– Si mes rares souvenirs sont bons, dit Qwi, cette machine de destruction est pleinement fonctionnelle. S’ils la conduisent dans l’espace de la Nouvelle République…
Avant qu’elle ait fini sa phrase, l’Etoile Noire accéléra et se dirigea vers la frontière de l’amas de trous noirs.